Si vous avez surfé sur les réseaux sociaux ces derniers temps, il se peut que vous ayez été confrontés à une série d’images à caractère simiesque, telles que celle-ci, accompagnées du terme «NFT». Croyez-le ou non mais ce singe et ses déclinaisons se vendent plusieurs centaines de milliers de dollars sur internet. Dans les faits, ce n’est pas ce singe mais le NFT sous-jacent qui est à l’origine de ces prix exorbitants. Mais qu’est-ce qu’un NFT? A quoi sert un NFT? Comment fonctionnent les NFTs? Si ce sont des questions que vous vous êtes déjà posées, vous êtes au bon endroit car nous allons y répondre dans cet article.
Qu’est-ce qu’un NFT?
Un NFT, acronyme pour Non-Fungible Token (ou jeton non-fongible en français) est un fichier numérique auquel est attaché un certificat d’authenticité, lui aussi numérique. Le terme «non fongible» fait en fait référence au fait que cet élément est unique et ne peut être échangé.
Pour mieux comprendre, prenons un exemple: un billet de 1 dollar est fongible car il peut être échangé contre un autre billet de 1 dollar. Mais une œuvre d’art, ou plutôt le «jeton» qui lui est rattaché, est non- fongible, car unique. On ne peut pas échanger La Nuit Étoilée de Van Gogh contre une autre.
A quoi servent-ils?
Un NFT permet de rendre un fichier numérique (par exemple, une vidéo, une image, un film, etc.) unique. Cela est particulièrement important dans le secteur de l’art, où la traçabilité et la provenance d’une œuvre sont essentielles. Plus précisément, un NFT permet à un artiste de vendre un fichier numérique de la même manière qu’il vendrait une œuvre physique. L’acheteur devient le propriétaire unique de l’œuvre originale incluse dans le NFT. L’artiste, quant à lui, conserve ses droits d’auteur et de reproduction.
En 2021, le Musée des Offices à Florence a vendu version numérique de La Sainte Famille à la tribune de Michel-Ange 140 000 euros. L’acquéreuse en a ainsi un certificat authentique et crypté.
Pourquoi existent-ils?
Comme nous l’avons déjà mentionné, les NFTs permettent de répondre à deux problèmes récurrents dans le monde de l’art.
Premièrement, grâce à la technologie blockchain sur laquelle ils sont basés, les NFTs sécurisent une œuvre numérique plus efficacement et avec plus de traçabilité que les certificats d’authentification standards. En effet, le NFT d’une œuvre sera enregistré sur la blockchain – un gigantesque registre public “conçu pour être immuable et inviolable” (selon Forbes) – dans lequel il est possible de retracer l’historique complet du NFT. Ceci permet donc à l’artiste de certifier l’authenticité de son œuvre.
Deuxièmement, les NFTs permettent une nouvelle méthode de circulation des œuvres numériques, rendant possible la désintermédiation pour les «crypto-artistes », et proposant ainsi une alternative au passage dans les galeries physiques. Par ailleurs, les crypto-artistes peuvent recevoir des royalties lors d’éventuelles reventes.
Mais comment cela fonctionne-t-il?
C’est la technologie blockchain qui est à la base des NFTs. En un mot, la blockchain est une technologie qui permet un «stockage» sûr via un système cryptographique et décentralisé.
Pour aller plus loin
Le concept de blockchain, en bref:
La blockchain est un historique public des transactions de tous les utilisateurs du réseau. Cet historique est décentralisé, ce qui signifie qu’il n’est pas géré par une instance centrale mais partagée dans un réseau peer-to-peer sans intermédiaire. Cela rend la base de données plus difficile à détruire puisqu’il en existe des copies un peu partout.
Par ailleurs, les données sont cryptées. La cryptographie consiste à chiffrer et déchiffrer des messages à l’aide d’une clé. La blockchain utilise un système de déchiffrage asymétrique, ce qui veut dire que la clé pour déchiffrer n’est pas la même que celle qui sert à chiffrer. C’est là-dessus que repose le concept de signature électronique. Chaque utilisateur du réseau a une clé de chiffrement unique et privée (i.e. personne d’autre n’aurait pu chiffrer comme cela) mais la clé de déchiffrement est publique (tout le monde peut déchiffrer).
Vient ensuite la question de la falsifiabilité de la liste de transactions. Est-il possible de pirater le système ? Oui, c’est possible, mais hautement improbable considérant les difficultés que cela pose. Pour comprendre, regardons ce qu’il advient de notre liste de transactions :
Dans chaque nœud du réseau (qui n’est autre qu’un serveur) il y a une copie d’une liste de transactions en attente de validation. Une fois validée, la liste de ce nœud deviendra un « bloc » qui s’ajoutera aux blocs précédents, formant une chaîne de blocs, d’où le nom blockchain. C’est ainsi qu’on peut avoir l’historique de toutes les transactions du réseau. Une liste est ainsi validée toutes les 10 minutes, créant un nouveau bloc.
Mais pour que cette liste en particulier devienne le nouveau bloc de la chaine, le nœud doit lui trouver un identifiant via un processus appelé le hashage. Le hashage consiste à transformer une chaîne de caractères de longueur quelconque en une nouvelle chaîne de caractères de longueur fixe. Dans notre cas, cette chaine de caractères contient l’identifiant du bloc précédent, la liste des transactions et ce qu’on appelle un nonce.
Un nonce est en fait une chaîne de caractères aléatoires qui permet de remplir les conditions pour que l’identifiant du bloc soit valide. Le seul moyen de trouver ce nonce, c’est par la méthode de la force brute, c’est-à-dire tester, une à une, toutes les combinaisons possibles jusqu’à trouver la solution. Les conditions sont faites de telle sorte qu’un nonce puisse être trouvé en moyenne toutes les 10 minutes.
Ce qu’il faut encore savoir sur le hashage, c’est que la modification d’un seul caractère dans la chaîne d’entrée change complètement la chaîne de sortie. Cela protège la base de données contre la moindre modification.
En effet, changer un élément dans le bloc modifie l’identifiant de ce bloc. Or, comme l’identifiant du bloc est intégré dans le bloc suivant, cela change aussi l’identifiant du bloc suivant, et ainsi de suite dans toute la chaîne. Il est donc impossible de changer une transaction dans le passé sans avoir à changer toute la chaîne.
Pour convertir un fichier numérique en NFT, les artistes doivent d’abord minter [1]. Le processus de minting consiste essentiellement à entrer manuellement les différentes informations relatives au NFT que vous voulez créer. Ceci fait, l’artiste « signe le mint », ce qui revient à signer une transaction qui sera ensuite définitivement enregistrée dans la blockchain (plus d’informations dans l’encart ci-dessus). C’est ainsi qu’il est possible de générer un jeton cryptographique sur une blockchain qui contient un lien vers le contenu. N’importe qui peut ensuite l’acheter et le revendre.
Quels sont les risques?
Le fait que la technologie sur laquelle sont basés les NFTs soit hautement sécurisée ne signifie pas pour autant que cette technologie est, sans risque. Les arnaques autour du minting de NFT sont ainsi de plus en plus fréquentes.
L’une d’elle consiste à détourner le processus de création de NFT pour vider votre portefeuille de NFT lors de la signature d’une transaction au cours de laquelle certaines autorisations sont données.
Un autre risque est celui d’une personne mal intentionnée se faisant passer pour un crypto-artiste célèbre et qui vendra de faux NFTs.
Par ailleurs, les NFT représentant certaines pièces de collection ou œuvres d’art numériques ont fait l’objet de spéculation effrénée. En effet, une œuvre d’art numérique de 10 secondes de l’artiste numérique Beeple, achetée via un NFT pour 67 000 dollars en octobre 2020, s’est vendue pour 6,6 millions de dollars en mars 2021. A la même période, Jack Dorsey – patron de Twitter – vend son tout premier tweet en tant que NFT pour plus de 2,9 millions de dollars. Ce ne sont que des exemples parmi d’autres qui illustrent le boom actuel des échanges de jetons non fongibles. Le risque étant donc qu’un jour le marché s’écroule, à l’instar de la bulle internet, et que seuls les premiers à avoir investi s’en sortent.
Quid de l’impact environnemental?
Le marché des NFTs est au cœur d’un débat sur la forte consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre qui en résultent, liées aux transactions sur la blockchain. L’estimation de l’empreinte carbone d’une transaction NFT spécifique est difficile car elle fait intervenir de nombreux paramètres comme la façon dont cette transaction est établie sur la blockchain, les demandes d’énergie des équipements de minage, la quantité d’énergie renouvelable utilisée sur ces réseaux, etc.
Certains systèmes NFT utilisent des techniques de validation alternatives qui consomment beaucoup moins d’énergie par cycle de validation. D’autres techniques de réduction de la consommation d’énergie consistent à utiliser des transactions hors chaîne dans le cadre du processus de minting de NFT. Un certain nombre de sites d’art NFT tentent également de résoudre ces problèmes, certains adoptant des technologies et des procédures à plus faible empreinte environnementale. D’autres offrent désormais la possibilité d’acheter des compensations de carbone lors de l’achat de NFT, bien que les avantages environnementaux de cette pratique soient remis en question. Dans certains cas, les artistes NFT ont choisi de ne pas vendre une partie de leurs œuvres afin de réduire leur empreinte carbone.
Yann Stehle
[1] En anglais to mint signifie «frapper» dans le sens de frapper des pièces de monnaie en métal. A ne pas confondre avec les mineurs qui sont à l’origine du processus de validation de bloc par hashage, appelés ainsi parce que leur travail est récompensé par de nouveaux coins. C’est le seul moyen de créer de la masse « crypto-monnétaire », à l’instar des mineurs du Far West qui augmentaient la masse monétaire en trouvant de l’or.
Sources:
Ask Mona. (2022). Les questions que vous n’avez jamais osé poser à propos des NFTs ! [online]. [visité le 24.02.2022]. Disponible sur: https://studio.askmona.fr/2021/12/14/tout-sur-les-nft/
Bilan. (2021). L’art des NFTs n’a rien d’éphémère. [online]. [visité le 24.02.2022]. Disponible sur: https://www.bilan.ch/opinions/publireportage-bilan/lart-nfts-na-rien-dephemere
Le Temps. (2021). Les NFT dynamitent le marché de l’art. [online]. [visité le 24.02.2022]. Disponible sur: https://www.letemps.ch/culture/nft-dynamitent-marche-lart
Rockinger, M. (2019). Principes de Finance [slides]. HEC Lausanne. Unil
Forbes. (2018). How Secure Is Blockchain Technology? [online]. [visité le 28.02.2022]. Disponible sur: https://www.forbes.com/sites/forbestechcouncil/2018/10/12/how-secure-is-blockchain-technology/?sh=231d6d272f03
Futura-Sciences. (2021). Non-fungible token : qu’est-ce que c’est ? [online]. [visité le 24.02.2022]. Disponible sur: https://www.futura-sciences.com/tech/definitions/tech-non-fungible-token-19205/
Wikipedia. (2022). Non-fungible token. [online]. [visité le 24.02.2022]. Disponible sur: https://en.wikipedia.org/wiki/Non-fungible_token